Quand les bulles ne sont pas dans ton verre : comment j’ai résolu une panne sournoise du groupe électrogène
En voyage, on apprend vite une chose : le confort repose souvent sur des détails invisibles. L’électricité, l’eau douce, le froid du frigo… Un confort qui semble assez « basique » quand on est à terre, mais au combien précieux en mer. Et le point commun à tout ce confort ? L’énergie !
Sans elle, tu ne peux pas faire tourner ton dessalinisateur qui te produit ton eau douce, ni recharger ton ordi ou faire tourner le frigo !
En gros, sans énergie, tu es condamné à te rincer à l’eau de mer et te contenter de bières chaudes… Alors autant être bien équipé pour palier à cela (c’est vraiment pas bon la bière chaude).
Pour creuser le sujet, n’hésite pas à consulter l’article « autonomie électrique en voyage », il devrait éclairer ta lanterne à ce sujet 😉.
Notre bateau n’étant pas de la dernière génération et donc, malheureusement, pas en « full solaire », il est équipé d’un allié de poids pour nous permettre de faire tourner nos équipements (dont un dessalinisateur 220 V) et recharger nos batteries.. j’ai nommé le groupe électrogène ! En gros, un moteur dédié à la production d’énergie, qui fonctionne comme le moteur du bateau, refroidi à l’eau de mer.
Quand tout fonctionne, c’est facile et tu ne te rends pas vraiment compte de la chance que tu as… et quand c’est le plus cas, c’est la cata ! Et, tu t’en doute bien, on est passé par là !
C’est pourquoi je te partage dans cet article les symptômes, les fausses pistes et la solution sur une panne du groupe électrogène.
Si tu navigues un jour avec un groupe électrogène à bord, ça pourrait t’éviter des heures de galère et quelques cheveux blancs (si tu as encore des cheveux 🥸).
Bien entendu, il y a plusieurs marques de groupe électrogène, je te parlerai donc de mon expérience avec le nôtre, un Cummins Onan MDKBN, mais le principe de fonctionnement reste le même. Quelle que soit la marque, une panne du groupe électrogène aura probablement une cause similaire.
Symptômes : quand le groupe s’arrête net
Alors que nous étions dans un mouillage sur l’île d’Union, à Saint-Vincent et les Grenadines 🇻🇨, notre groupe électrogène a commencé à montrer des signes de faiblesse. D’un jour à l’autre, alors qu’il était en fonction, il s’est arrêté soudainement, avec un code erreur « surchauffe » ! Ça ne présage rien de bon !
En contrôlant le groupe électrogène, je remarque que le filtre à eau de mer était vide. Peut-être qu’une algue ou autre avait bouché l’entrée d’eau (ça arrive parfois et tu n’imagine même pas ce que tu retrouve parfois dans ton filtre…). Je le re-rempli, et hop, c’est reparti ! La fois suivante, rebelote ! Clairement, quelque chose clochait dans le circuit d’eau de mer.
La date de la révision du moteur approchant, j’ai tout de suite suspecté l’impeller qui devait être en fin de vie.
Mais qu’est-ce que l’impeller ? Tout simplement une turbine en caoutchouc qui aspire l’eau de mer pour venir refroidir le liquide de refroidissement via un échangeur, qui, à son tour, refroidi le moteur. Le tout est entrainé par la courroie. Cette turbine, point important du moteur marin, doit être changée tous les 500 h moteur ou une fois par année.

Pour connaître la fréquence des révisions à faire sur ton groupe, consulte le manuel d’entretien. Cela vaut également pour ton moteur in board, qui fonctionne de la même manière.
Pour en savoir plus sur le fonctionnement d’un moteur marin, consulte cet article de l’institut national de sécurité nautique.
Donc, point important pour toi, toujours en avoir à bord ! De ce côté-là, pas de soucis, je suis équipé.
Révision : l’heure de se salir les mains
Quand faut y aller, faut y aller ! On se retrousse les manches (enfin… façon de parler, sous les tropiques on est toujours torse nu 😎 ) et c’est parti pour une matinée cambouis et compagnie !
La révision se passe à merveille :
- Vidange et changement du filtre à huile
- Changement du filtre à gasoil
- Changement de l’impeller
- Nettoyage de l’échangeur (où l’eau de mer refroidit le liquide de refroidissement)
- Changement de l’anode au zinc, protégeant l’échangeur de la corrosion
- Faire le niveau du liquide de refroidissement
- Contrôle de la courroie
- Nettoyage du filtre à eau de mer, appelé « strainer » en anglais ou également panier à salade (ça y ressemble beaucoup). Le nôtre est un Vetus FTR330.
- Remplissage du filtre à eau de mer. Afin d’aider à l’amorçage du système de refroidissement à eau de mer, il est conseillé de remplir le filtre à eau de mer pour éviter que l’impeller tourne à sec, sinon cette petite turbine caoutchouc va vite rendre l’âme.

Une bonne matinée, plié dans la cale-moteur, et le tour est joué. On remonte le tout et on teste.
Test : l’heure de vérité
Après chaque révision, tu redoute toujours le moment de remettre la machine en route, espérant que tout fonctionne à nouveau.
Mon doigt actionne le moteur, il démarre au quart de tour ! Fier de moi, je suis heureux !
Mais ça ne dure pas longtemps, car un soucis me saute aux yeux ! L’eau de mer est bien aspirée par le moteur mais il n’y a pas d’eau qui vient remplir le filtre à eau de mer ! Et qui dit pas d’arrivée d’eau, dit pas de refroidissement, sans compter que l’impeller va en prendre un coup. On stoppe tout !
Investigation : à la recherche du coupable
🧐 Les suspects 👉 impeller, strainer, durites ?
Le constat est simple :
L’eau n’arrive pas, donc il y a un souci entre le passe-coque, situé sous la ligne de flottaison et la pompe à eau de mer où se trouve l’impeller.
Pour débusquer le coupable, il faudra investiguer et refaire tout le cheminement.

Passe-coque :
Je commence donc par le début, le passe-coque, qui doit être bouchée. Il n’est pas rare que des coquillages ou autres créatures marines viennent s’y loger. Il est temps de plonger pour aller y jeter un coup d’œil, mais rien, ce n’est pas ça !
Durites :
Ensuite, passons aux tuyaux, appelé durite, chargé d’apporter l’eau au filtre à eau de mer. Après test et inspection, ce n’est pas ça non plus !
Filtre à eau de mer (strainer) :
On continue par le filtre à eau de mer. Serait-ce lui le fautif ? En l’inspectant, je remarque une petite fissure sur le couvercle et le joint semble un peu fatigué. Bien qu’elle semble anodine, elle pourrait laisser passer de l’air et donc désamorcer la colonne d’eau. Malheureusement, je n’ai pas de couvercle et de joint de rechange, il faudra donc improviser. Je vais tenter de boucher la fissure avec de l’époxy.
Le lendemain, test avec le couvercle rafistolé… et non, toujours pas ! Le problème ne vient peut-être pas de là ! N’étant pas totalement sûr de ma réparation à l’époxy et pour écarter tout doute, je remplacerai tout le filtre par un nouveau Vetus FTR330 tout beau tout neuf… si j’en trouve un ! C’est toujours la loterie dans les îles… et souvent une aventure pour trouver des pièces, mais c’est une autre histoire !
Pompe à eau de mer :
On poursuit l’investigation : Ai-je mal remonté l’impeller ? On redémonte et on inspecte. L’impeller était parfaitement monté, ainsi que son joint torique. Cependant, derrière la turbine se trouve une plaque inox, faisant office de joint et donc d’étanchéité. Cette plaque, sensée être parfaitement plane et propre, présente des traces laissées par le ou les anciens impellers. Je n’y avais pas fait attention durant l’entretien, je m’attaque donc à son nettoyage.
Au fur et à mesure que les saletés disparaissent, des signes d’usure deviennent visibles tels que des rayures ainsi qu’un sillon, plus ou moins marqué. Je graisse le tout et remonte proprement.
Suite à cela, re-teste et même constat, pas d’aspiration d’eau et apparition de bulles d’air qui semblent provenir de la pompe à eau! Il y a toujours une prise d’air quelque part, qui empêche la turbine de créer une dépression suffisante dans le tuyau et donc aspirer l’eau. Mais le champ d’investigation se réduit à la section entre le filtre à eau de mer (strainer) et la pompe à eau de mer.
Solution : tester, isoler, remplacer
Pour isoler le problème de la panne sur le groupe électrogène, il me fallait faire plusieurs tests simples :
👉 Vérification des durites → une durite poreuse ou mal serrée peut aussi causer des bulles. Je resserre donc tous les colliers et en remplace deux qui semblent fatigués.
👉 Bypass du filtre à eau de mer (strainer) : → brancher la durite d’arrivée d’eau en direct sur la pompe, si possible. Le tuyau étant trop court chez moi, plan B au moyen d’un seau d’eau et d’un bout de tuyau branché directement sur l’arrivée d’eau de la pompe à eau de mer, où se trouve l’impeller. Miracle, ça aspire !
👉 Remplacement du filtre à eau de mer et rebranchement sur les durites existantes. Malgré que le filtre soit neuf, ça n’aspire toujours pas ! Aha!

👉 Bypass de la durite entre le filtre à eau de mer (strainer) et la pompe : → brancher une durite neuve, si possible transparente, en « circuit court » et test. La pompe aspire l’eau du filtre mais celui-ci ne se remplit toujours pas. Mais fait nouveau, invisible avant, montre que dès l’arrêt du moteur, des bulles d’air remontent de la pompe à eau vers le strainer, désignant ainsi le coupable :
la plaque inox derrière l’impeller !
Les rayures et le sillon doivent laisser passer l’air et empêche l’amorçage du système ! Un léger polissage de la plaque inox avec du papier abrasif 800 ou 1000 et un peu de graisse marine permettront une amélioration provisoire.
Je veillerai également à ce que la durite entre le strainer et la pompe ne fasse pas de montagnes russes pour éviter d’avoir un endroit où l’air pourrait s’accumuler et donc créer un « bouchon ». Malgré la prise d’air et grâce au circuit court, ça fonctionne ! Bien entendu, c’est provisoire et ça permet de patienter le temps de commander les pièces.
👉👉👉 Solution définitive : remplacement prévu de la plaque et du joint
✅ Checklist pratique : à avoir à bord en fonction de la durée du voyage prévu
Tout d’abord, pour chaque révision du groupe électrogène, tu auras besoin :
- manuel d’entretien (et oui!)
- -1- filtre à huile
- -1- filtre à gasoil
- -1- impeller
- -1- bidon d’huile de 5 l (souvent de type 15W40)
- -1- bidon de liquide de refroidissement de 5 l
Et pour les imprévues, des pièces de rechange qui peuvent te sauver lorsqu’une panne du groupe électrogène se manifeste :
- -1- impeller en secours
- -1- plaque inox + joint
- -1- couvercle + joint pour ton filtre à eau de mer
- -1- courroie
- -1- anode zinc
- + quelques mètres de durite marine + colliers inox de serrage
Si comme nous tu as un groupe électrogène Cummins Onan MDKBN, voici les références techniques des éléments ci-dessus, par composant (également pour Onan MDKBL et Onan MDKBM) :
Leçon apprise : toujours vérifier l’aspiration
Ce que je retiens (et que je partage pour toi, futur lecteur en galère) :
- Une pompe à impeller n’est jamais totalement auto-amorçante. La moindre prise d’air = panne du groupe électrogène assurée.
- L’impeller, le strainer et la plaque de pompe sont les premiers suspects.
- Un simple test en direct (passe-coque → pompe) permet d’éliminer des heures de diagnostic inutile.
Conclusion
Cette panne du groupe électrogène m’a appris qu’en mer, on doit souvent jouer au détective (Sherlock Holmes ou Ace Ventura, c’est au choix 😜).
Si ton groupe (Onan ou autre) s’arrête en surchauffe et que le strainer se vide sans se remplir, ne change pas trois fois d’impeller avant de vérifier la base : étanchéité du circuit et plaque de pompe.
👉 Parfois, la solution est une petite pièce à 20 €, pas un gros chantier.
Et si tu croises des bulles dans tes durites, souviens-toi : ce n’est pas du champagne… c’est ton groupe qui t’appelle à l’aide. 🥂😅

Et toi ? As-tu déjà eu des soucis avec ton groupe électrogène ? Si oui, partage ça en commentaire en expliquant le problème et surtout la solution !
Si ça permet d’éviter et de réparer une panne du groupe électrogène, je suis preneur !
Bravo , quelle ténacité , quelle persévérance pour trouver l’origine de la surchauffe .
J’ai 2 questions : quelle était ton activité avant de prendre la mer ?
Et deuxième , j’ai un petit groupe électrogène : est-ce qu’il peut aussi y avoir une surchauffe ?
Merci
Merci Bruno ! Quand il faut, il faut ! Suivant où tu te trouve, tu ne peux compter que sur toi même.
Pour répondre à tes questions… ce que je faisais avant ? Je travaillais dans une banque (!), j’ai dû tout apprendre sur le tas. Bien entendu, j’ai fait quelques cours pour avoir les notions de base mais j’ai beaucoup appris depuis qu’on est en bateau. Je suis devenu multitâches, mécanique, plomberie, électricité, cuistot et même prof d’école 😉 !
Concernant ton groupe électrogène : Oui il peut surchauffer, ça reste un moteur ! Si c’est un portatif, il doit être à refroidissement à air. Fais donc attention à l’arrivée d’air et au liquide de refroidissement. Si tu regarde ton manuel d’utilisation, il doit assurément indiquer les révisions à faire et quand. Si tu veux être tranquille, respecte cela et tout va rouler !
Bravo, chapeau bas! Cet article va certainement aider quelqu’un très prochainement, merci pour ce témoignage précieux
Merci Sylvie pour ton message. Oui, j’espère que ça pourra aider quelqu’un et lui évitera de galérer comme je l’ai fait !
J’ai trouvé géniale ta façon de transformer une galère en leçon pratique et accessible, avec juste ce qu’il faut d’humour pour dédramatiser. Merci !
Merci Magdalena pour ton commentaire. Chaque galère est une possibilité d’apprendre et de transmettre, c’est comme ça qu’on avance 😉 ! Bien que des fois on s’en passerait bien, de ces galères !