Ce que dit la science (et mon avis😉)
Quand j’ai posé la question “Est-ce que vous buvez l’eau de votre dessalinisateur telle quelle, ou vous la reminéralisez avant ?” sur un groupe Facebook de navigateurs ou sur les pontons, je ne m’attendais pas à déclencher autant de réactions.
Il y a eu les convaincus : “On boit l’eau du dessalinisateur depuis 10 ans, jamais eu de problème !”.
Et puis les prudents : “Attention, c’est dangereux pour les os et les articulations si tu ne reminéralises pas !”.
Bref, un vrai débat.
Et après presque 3 ans à vivre en bateau en famille, je me suis dit qu’il était temps de creuser le sujet sérieusement.
L’eau du dessalinisateur, c’est quoi exactement ?
Un dessalinisateur fonctionne par osmose inverse : l’eau de mer est poussée à travers une membrane qui laisse passer uniquement les molécules d’eau. Résultat :
- D’un côté, une eau très salée rejetée à la mer.
- De l’autre, une eau très pure, sans microbes, sans sels, sans minéraux.
C’est ce qu’on appelle eau osmosée. Elle est potable, mais… trop pure. En gros, elle ressemble à de l’eau distillée.
Que dit la science sur l’eau déminéralisée ?
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a étudié la question dans un rapport de 2004 (1).
Leur conclusion :
- Les effets d’une eau trop pauvre en calcium et surtout en magnésium peuvent apparaître dès quelques semaines à quelques mois : fatigue, crampes, troubles cardiovasculaires ont été signalés en République tchèque et en Slovaquie après l’installation de systèmes d’osmose inverse. Ce sont des médecins qui ont observé chez des consommateurs d’eau osmosée ces symptômes, mais ces observations ne prouvent pas une relation causale directe.
- À plus long terme, le rapport recommande de toujours reminéraliser les eaux déminéralisées, car une eau « vide » n’est pas adaptée comme source régulière.

Les chiffres clés :
Les experts ayant travaillé avec l’OMS ont proposé des valeurs minimales indicatives :
- Calcium recommandé dans l’eau de boisson : au moins 20 mg/L.
- Magnésium recommandé : au moins 10 mg/L.
- TDS (solides dissous totaux) : au moins 100 mg/L, idéalement entre 250 et 500 mg/L.
👉 De nombreuses études épidémiologiques, notamment en Europe et en Amérique du Nord, ont observé une relation inverse entre la dureté de l’eau et la mortalité cardiovasculaire : autrement dit, les régions où l’eau est très douce semblent présenter davantage de maladies cardiovasculaires. L’OMS souligne toutefois que ces études sont limitées sur le plan méthodologique, et que les données plus solides n’ont pas confirmé de lien causal certain (2)(3).
Et quand on regarde les études de plus près :
- Le calcium et le magnésium présents dans l’eau sont sous forme ionique, ce qui les rend facilement assimilables par l’organisme (4). Dans les aliments, leur absorption peut être réduite par la présence de fibres, de phytates ou de certaines protéines.
- En Suède, plusieurs études ont observé que les personnes buvant une eau plus riche en magnésium avaient plus de chances de survivre à un infarctus, même si le magnésium ne semblait pas réduire le risque d’en faire un (5).
- Plus récemment, une grande étude de cohorte a montré un effet protecteur du magnésium dans l’eau contre les AVC, mais pas vraiment sur l’infarctus (6).
- À l’inverse, d’autres études (comme en Angleterre) n’ont trouvé aucun lien clair entre magnésium de l’eau et maladies cardiaques (7).
👉 Moralité : les résultats ne sont pas toujours cohérents, mais la balance penche vers un rôle protecteur du magnésium et du calcium quand ils sont présents dans l’eau.
Minéraux de l’eau vs minéraux des aliments
- Les minéraux de l’eau, comme le calcium et le magnésium, sont présents sous forme ionique et donc facilement absorbés par le corps.
- À l’inverse, certains minéraux des aliments peuvent être moins bien assimilés. Par exemple, le calcium du brocoli est bien absorbé, alors que celui des épinards l’est beaucoup moins. Même chose pour le magnésium : celui des eaux minérales est hautement biodisponible, tandis que celui des céréales complètes peut être en partie bloqué.
👉 Du coup, même si l’eau ne nourrit pas, elle joue un rôle complémentaire important. C’est pour ça que l’OMS recommande une eau minéralisée, et non une eau “vide”.
Les pratiques des navigateurs : deux camps
Sur les pontons (ou sur Facebook 😅), il y a deux écoles :
- Les minimalistes :
- Ils boivent l’eau du dessalinisateur telle quelle, parfois depuis 10 ans, sans jamais reminéraliser.
- Argument : “On n’a jamais eu de problème”.
- Les prudents :
- Ils ajoutent quelque chose : cartouches de reminéralisation, pierres de lave, marbre, corail, eau de Quinton, bicarbonate ou… sel.
- Mon amie naturopathe, par exemple, dissout du sel rose de l’Himalaya dans un verre, puis ajoute quelques gouttes de cette solution dans chaque bidon de 5 L.
Et nous ?
Depuis que nous vivons sur notre catamaran, nous buvons l’eau du dessalinisateur sans rien y ajouter. Nous avons toujours consommé beaucoup de fruits et légumes, mais depuis que nous sommes dans les Caraïbes en slow travel, les réserves diminuent parfois beaucoup.
Résultat : notre consommation de produits frais baisse aussi, car il n’est pas toujours possible de faire des courses !
👉 À lire aussi : 7 idées de recettes faciles à faire en bateau (ou en van)
Les meilleures solutions pour reminéraliser
On entend de tout : certains glissent une pierre de lave, un bout de marbre ou un morceau de corail dans leurs bidons. L’idée est sympa, mais en pratique ça libère très peu de calcium, et quasiment pas de magnésium.
Résultat : c’est mieux que rien, mais largement insuffisant pour équilibrer vraiment l’eau du dessalinisateur.
L’eau de Quinton est une autre piste : c’est de l’eau de mer filtrée, riche en sodium, magnésium, calcium, potassium et plein d’oligo-éléments.
Sur le papier, ça fait rêver, mais dans la réalité, les doses qu’on ajoute à un bidon donnent des quantités infimes de minéraux. C’est un bon appoint, mais pas une solution pour reminéraliser de gros volumes.
Le sel rose de l’Himalaya contient plus de 80 éléments chimiques différents… mais il faut distinguer les minéraux majeurs : sodium (NaCl ~95–98 %), calcium, magnésium, potassium et les oligo-éléments : fer, zinc, cuivre, manganèse, iode, fluor, sélénium… présents en quantités infinitésimales. On ajoute donc surtout du sodium, les autres minéraux n’étant présents qu’à l’état de traces.
Pour une reminéralisation efficace, il reste trois options sérieuses :
- Les cartouches de reminéralisation (à base de calcaire ou de dolomie), pratiques et automatiques.
- Le Nigari (chlorure de magnésium alimentaire) pour corriger le déficit en magnésium, et éventuellement du chlorure de calcium alimentaire pour compléter en calcium.
- Ou la méthode simple : mélanger un peu d’eau minérale riche en Ca et Mg (Hépar, Contrex, Rozana…) à l’eau du dessal. Mais pas pratique en bateau.
Et le risque bactériologique ?
Deuxième problème : les bactéries.
- L’eau sort presque stérile du dessalinisateur.
- Mais une fois stockée dans une cuve par 30 °C → ça peut devenir un bouillon de culture !
C’est pour ça qu’on passe toujours notre eau dans un filtre Berkey. Ce filtre retient bactéries, virus, pesticides, métaux lourds… mais ne reminéralise pas.
👉 Moralité : l’eau du dessalinisateur a deux faiblesses :
- Elle est trop pauvre en minéraux.
- Elle peut se contaminer en stockage.
Les deux doivent être gérés.
Ce qu’on a fait à bord pendant 3 ans… et ce qu’on change maintenant
Depuis notre départ, on a toujours bu l’eau du dessalinisateur, stockée dans les cuves puis filtrée au Berkey. Et on n’a jamais eu de souci particulier, même si c’était toujours “100 % dessal”.
Mais… en lançant le débat sur Facebook et en discutant avec une amie naturopathe, on a commencé à réfléchir différemment.
Nous vivons dans les Caraïbes, sous un soleil qui cogne et avec des journées où l’on transpire beaucoup. Dans ces conditions, un peu de sel dans l’eau est plutôt une bonne idée : ça compense en partie ce qu’on perd en transpirant.
Après réflexion, on a donc décidé de tester le sel rose de l’Himalaya : une demi à une cuillère à café de solution saline par bidon de 5 L.
C’est notre nouveau test, simple à mettre en place, et on verra sur la durée si on continue.
Conclusion
Alors, est-ce qu’on peut boire l’eau du dessalinisateur sans la reminéraliser ?
Entre lectures scientifiques et discussions de ponton, j’ai fini par me faire une idée plus claire sur l’eau déminéralisée. Voici ma conclusion (qui n’engage bien sûr que moi 😉) :
👉 En réalité, le problème de l’eau déminéralisée n’est pas qu’elle soit “mauvaise” pour le corps.
👉 Le vrai souci, c’est que la majorité des gens manquent déjà de magnésium, et que boire une eau naturellement riche en magnésium et en calcium aide à compenser les apports parfois insuffisants de l’alimentation. Pour les autres minéraux, l’eau joue un rôle mineur : on les trouve surtout dans la nourriture.
👉 Le sel rose, lui, apporte surtout du sodium. Dans notre cas, sous le soleil des Caraïbes où on transpire beaucoup, c’est plutôt un bon allié… mais ça ne règle pas la question du magnésium ni du calcium.
👉 La solution la plus logique reste donc la complémentation en magnésium, que beaucoup de médecins recommandent d’ailleurs, car l’alimentation moderne n’en fournit souvent pas assez.
Ou, pour l’eau du dessalinisateur, d’ajouter un minimum de calcium et de magnésium si on veut qu’elle ressemble à une “vraie” eau de boisson.
Et c’est là que je sais que l’article va piquer un peu 😅 :
- Certains vont dire : “On boit ça depuis 15 ans sans jamais avoir eu le moindre souci !”
- D’autres vont confirmer que “Oui, à long terme, ça peut poser problème”.
Et tu sais quoi ? Tant mieux. Parce que le but de cet article, ce n’est pas d’avoir raison.
👉 C’est de mettre le sujet sur la table pour que chacun fasse ses choix en conscience.
Et toi, tu fais quoi avec ton eau du dessalinisateur ?
Tu bois ton eau du dessalinisateur telle quelle ?
Tu reminéralises ?
Ou tu penses que tout ça, c’est du blabla inutile ?
👉 Dis-le en commentaire, nous sommes curieux de ton expérience.
Sources
- Kozisek F. (2004). Health risks from drinking demineralised water World Health Organization. Nutrients in Drinking Water
- World Health Organization (2011). Guidelines for Drinking-water Quality, 4th edition.
- World Health Organization (2011). Hardness in Drinking-water: Background document for development of WHO Guidelines for Drinking-water Quality.
- Verma P. (2014). Demineralization of drinking water: Is it prudent?
- E. Rubenowitz, G. Axelsson, R. Rylander (1996) Magnesium in Drinking Water and Death From Acute Myocardial Infarction
- Helte et al., 2022 Calcium and magnesium in drinking water and risk of myocardial infarction and stroke: A population-based cohort study
- Morris RW, Walker M, Lennon LT, Shaper AG, Whincup PH (2008) Hard drinking water does not protect against cardiovascular disease: new evidence from the British Regional Heart Study
- Health risk assessment of mineral water with very low mineral content (BfR, Allemagne, 2020)








J’ai été particulièrement touchée par la manière dont tu confrontes les témoignages “on a toujours bu ça sans souci” avec les études scientifiques plus prudentes de l’OMS : cela montre que notre vécu seul ne suffit pas, mais qu’il mérite d’être croisé avec la recherche. L’idée que l’eau “trop pure” (sans calcium, sans magnésium) puisse à moyen terme poser problème (fatigue, crampes, déséquilibres) ouvre un champ de vigilance essentiel quand on vit en autonomie sur un bateau ou en van. C’est une problématique à laquelle je n’avais honnêtement jamais pensé ! Merci beaucoup pour cet article 🙂